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Feb 18, 2024

La plongée la plus profonde sous l'Antarctique révèle un monde incroyablement dynamique

Le matin, en arrivant à pied de Dumont d'Urville, la base scientifique française de la côte Adélie de l'Antarctique oriental, nous devons briser une fine couche de glace qui s'est formée au-dessus du trou foré la veille. Le trou traverse la banquise de 10 pieds d’épaisseur. C'est juste assez large pour un homme, et en dessous se trouve la mer. Nous n'avons jamais essayé de plonger par une ouverture aussi petite. J'y vais en premier.

En poussant et en tirant avec les mains, les genoux, les talons et le bout de mes palmes de natation, je me faufile à travers le trou. Alors que je plonge enfin dans l’eau glacée, je regarde en arrière – vers un spectacle écoeurant. Le trou a déjà commencé à se refermer derrière moi.

La surface inférieure de la glace marine est une épaisse bouillie de cristaux de glace flottants, et ma descente les a mis en mouvement. Ils convergent vers le trou comme s'il s'agissait d'un drain à l'envers. Au moment où j'enfonce un bras dans la bouillie glacée, elle fait trois pieds d'épaisseur. En attrapant la corde de sécurité, je me relève petit à petit, mais mes épaules restent coincées. Soudain, je suis abasourdi par un coup violent à la tête : Cédric Gentil, un de mes copains plongeurs, essaie de me déterrer, et sa pelle m'a touché le crâne. Finalement, une main attrape la mienne et me tire dans les airs. La plongée d'aujourd'hui est terminée, mais ce n'est qu'une parmi 32.

Les manchots empereurs se dirigent vers le large à la recherche de nourriture. Les taches brunâtres au-dessus d'eux sont des microalgues qui s'accrochent à la glace marine et commencent à photosynthétiser au printemps. Le camp de jour du photographe se trouvait sur l'un de ces floes. Aptenodytes Forsteri (pingouins)

À trente mètres sous la glace, une étoile à plumes agite ses bras en forme de fronde, à la recherche de particules de nourriture. C'est un animal, pas une plante, un cousin des étoiles de mer, et il sait nager. Le photographe Laurent Ballesta a plongé jusqu'à 230 pieds de profondeur pour prendre ces clichés. Promachocrinus Kerguelensis

Une méduse couronne bioluminescente, d'environ 14 pouces de large, flotte à 130 pieds de profondeur, brillante et traînant une douzaine de tentacules piquants. Ces mangeurs de plancton en forme de cloche évitent la lumière directe, qui peut les tuer. Périphylla Périphylla

Je suis venu ici avec un autre photographe, Vincent Munier, à l'invitation du cinéaste Luc Jacquet, qui travaille sur une suite à son triomphe de 2005, La Marche des Pingouins. Pendant que Jacquet filme les manchots empereurs et que Munier les photographie, mon équipe documentera la vie sous la banquise. En hiver, la glace atteint ici 60 milles au large, mais nous sommes arrivés en octobre 2015, au début du printemps. Pendant 36 jours, alors que la glace se brise et se retire à quelques kilomètres de la côte, nous plongerons à travers celle-ci, jusqu'à 230 pieds de profondeur.

(Lire la suite : Obtenez une vue imprenable sur les baleines sous l'Antarctique)

J'ai travaillé pendant des décennies comme photographe de plongée profonde, d'abord en mer Méditerranée, où j'ai appris à plonger il y a 30 ans. Plus tard, une envie de nouveaux mystères m'a emmené ailleurs. J'ai plongé à 400 pieds au large de l'Afrique du Sud pour photographier des cœlacanthes rares, et pendant 24 heures d'affilée au large de Fakarava, en Polynésie française, pour assister à l'accouplement de 17 000 mérous. Mais cette expédition en Antarctique ne ressemble à aucune autre. Ici, nous plongerons plus profondément que quiconque n'a jamais plongé sous la glace de l'Antarctique, et les conditions seront plus que difficiles.

Chez nous, en France, nous avons passé deux ans à nous préparer. Sur une carte de la Côte Adélie épinglée sur mon mur, j'ai choisi des sites de plongée présentant des profondeurs de fond variées et situés à une dizaine de kilomètres de Dumont d'Urville. Nous avons travaillé avec des fabricants pour identifier les points faibles des combinaisons de plongée classiques. L'eau allait être inférieure à 29 degrés Fahrenheit. (L'eau salée reste liquide en dessous du point de congélation de l'eau douce, soit 32 degrés.) Sans combinaisons étanches, nous mourrions en 10 minutes seulement. Avec notre équipement amélioré, nous pourrions tenir jusqu'à cinq heures.

Un jeune phoque de Weddell curieux, âgé de quelques semaines, arrive pour un gros plan. Il s'agissait peut-être de la première baignade du chiot, explique le biologiste marin Pierre Chevaldonné, qui a travaillé à Dumont d'Urville. Les phoques de Weddell sont le mammifère reproducteur le plus au sud du monde.

Les préparatifs pour chaque journée de plongée prennent à peu près autant de temps. Là où nous ne pouvons pas nous glisser dans les trous laissés par les phoques de Weddell et leurs dents très occupées, nous creusons les nôtres avec une perceuse à glace. Les phoques, lorsqu’ils ont besoin d’air, retrouvent d’une manière ou d’une autre le chemin de leur trou ; notre plus grande peur est de nous perdre et de nous retrouver coincés sous la glace. Nous déposons donc une corde jaune luminescente dans le trou et la tirons avec nous pendant la plongée. À la fin, nous le suivons.

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